Jan Carson

#rentreelitteraire2021

❝ C'est Belfast. Ce n'est pas Belfast. C'est la ville qui ne les laissera partir ni l'un ni l'autre. ❞

Une superbe lecture, plutôt surprenante mais à la hauteur de cette rentrée littéraire.

Dans ce roman, l'autrice irlandaise nous emmène dans un Belfast moderne qu'on nous explique être plein de tensions et où la jeunesse met le feu face au gouvernement incompétent.

Je pensais que la politique serait partie intégrante de l'intrigue, mais en réalité, cet état de révolte se dresse surtout comme échos. Alors les Grands Feux étouffent la ville, on va suivre deux pères que tout sépare, si ce n'est l'angoisse que leur porte leur enfant respectif. La peur d'un futur incertain, le leur mais surtout celui de leur progéniture — qu'adviendra-t-il de ces enfants, l'une un nourrisson au don destructeur, l'autre un adulte qui sème malheur et fumée dans sa colère?

𝘓𝘦𝘴 𝘓𝘢𝘯𝘤𝘦𝘶𝘳𝘴 𝘥𝘦 𝘍𝘦𝘶 s'est avéré être un roman très immersif. Les points de vue changent d'un protagoniste à l'autre pour mieux nous entraîner dans leurs pensées tourmentées. Entre anxiété, culpabilité et terreur, c'est de façon captivante et originale que l'hérédité et les péchés des parents semblent devenir le sujet clé du roman. Nos actions passées, notre colère, nos erreurs, coulent-elles dans le sang de nos enfants ? Sommes-nous responsables de leurs déviances ? Pouvons-nous les arrêter ? Entre réalisme déstabilisant et éléments surnaturels, l'intrigue est en fait le combat intérieur de ces deux pères en plein dilemme. vont-ils empêcher leurs enfants de nuire? ou vont-ils fermer les yeux sur leurs péchés?

❝ Il a besoin de dire à son fils que la violence est une maladie qui se transmet, comme les maladies cardiaques ou le cancer. [...] Ce n'est pas sa faute, rien n'est sa faute, pas même les feux ni les gens qui ont été blessés. ❞

Au final, c'est une œuvre crue, pleine de paradoxes et de métaphores poignantes. L'écriture de Jan Carson est divine, son roman, un drame, une tragédie. mais, plus que ça, c'est une réflexion sur la paternité et la violence. la souffrance et l'héritage de l'environnement social, qui va se dresser avec subtilité et impact.

À découvrir !

Un bon livre, avec un genre plutôt particulier, qui sort de ce que j'ai l'habitude de lire.

Dans un Belfast encore divisé par des murs mais plus encore par des frontières invisibles, issues de l'histoire de cette région d'Irlande depuis des siècles (Guillaume d'Orange, mort de puis 320 ans, sert toujours de référence pour se sentir en sécurité ou haïr ses voisins), des jeunes des deux bords allument toujours des incendies en été: manifestations rituelles que personne ne sait plus justifier rationnellement, effet de l'ennui, de la pauvreté, du manque de perspective d'avenir...

Dans cette ville qui cultive ses traumatismes, la santé mentale des habitants en prend un coup.

On voit deux pères qui perdent pied dans cette atmosphère délétère: un médecin qui envisage sérieusement de couper la langue de son bébé pour qu'il n'ajoute pas au bruit ambiant, et un autre homme qui soupçonne son fils jeune adulté d'être à l'origine de la flambée de violences et d'incendies.

Comment peut-on cesser de transmettre les peurs et les haines multiséculaires en Irlande du Nord? Le pays pourra-t-il jamais faire une sorte de table rase de l'accumulation des haines, incompréhensions, peurs et préjugés?

Jan Carson semble bien pessimiste, avec quelque raison.