Israël Finkelstein

La Bible Dévoilée, de Israel Finkelstein & Neil Asher Silberman

Impressionnant: comment la réflexion archéologique permet de décrypter un mythe. A la portée de tous car les auteurs manifestent constamment une volonté de convaincre et surtout celle d'être clairs. Ils obtiennent ce résultat:

• Par une mise en parallèle du texte biblique et de la contradiction qu'apporte l'analyse des données archéologiques

• Par une description des différentes interprétations et pourquoi certaines ont été réfutées

• Par la présentation d'une courte conclusion en fin de chaque affirmation biblique analysée

En outre la traduction est excellente. Bien qu'il s'agit d'une critique de l'historicité d'événements décrits dans la bible comme les patriarches, l'exode, la conquête de Canaan, le royaume unifié, ce livre se lit comme un véritable roman policier.

A l'instar de son livre-jumeau "La Bible dévoilée", c'est un excellent livre de vulgarisation.

Son contenu est fouillé et de qualité et il contient tous les composants d'un livre scientifique: table des matières, bibliographie, index, appendices, cartes.

Entrecroisant le résultat de fouilles et des textes postérieurs au Pentateuque à savoir "les Prophètes" et essentiellement ses deux dernières parties "Samuel I & II" et "les Rois I & II" ainsi que "les Chroniques" postérieures au retour de l'exil babylonien, il analyse l'histoire deutéronomiste de deux héros rois et comment la narration de cette histoire évolue dans le temps. L'auteur pose des questions essentielles d'un historien évaluant l'ancien testament comme source d'information. David a-t-il existé? Etait-il chef de bande comme de celle de ces brigands Hapirou sévissant dans les hautes-terres méridionale de la Samarie? Comment se déroula la succession de Saül, le roi nordiste d'Israël? Harmonieuse et consentie ou guerrière? Les exploits qu'on prête à David sont-ils réels ou proviennent-ils de légendes/mythes recyclées à son avantage. J'en ai enfin appris un peu plus sur ces Omrides dont le nom gravé sur la stèle de Mésha présentée au musée archéologique d'Amman m'avait totalement laissé perplexe.

En démontrant que ce sont des scribes du VIII° siècle avant J-C plongés dans le nouveau monde des communications commerciales et interculturelles de l'empire assyrien qui mettent en scène des héros antérieurs de deux siècles (donc du X° siècle) agissant dans un contexte matériel et sociétal du IX° siècle avant J-C et donc celui des Omrides, Finkelstein dégonfle définitivement les assertions excessives concernant une monarchie unifiée régnant sur l'ensemble Israël nordiste -Juda sudiste. Selon l'auteur, le but de l'exercice qui constituait en la rédaction de cette partie de l'ancien testament (Samuel et les Rois) visait la constitution d'une conscience nationale auprès de populations disparates peuplant la Judée méridionale. Durant le règne du roi Ézéchias, l'obligation de centraliser le culte religieux à Jérusalem participa également de cette volonté.

Après la mort de Josias a Har Megiddo (Armageddon) en 609 et la destruction du temple de Jérusalem par les Babylonien en 586, le ton de la littérature biblique quant à David et Salomon change radicalement. Dans "Les Chroniques", elle devient un outil de perfection cultuelle car ils sont devenus des archétypes de piété, définitivement disparu l'espoir d'une royauté commune régnant sur Israël et Juda.

Notons que selon WIKIPEDIA l'histoire deutéronomiste, aussi appelée l'historiographie deutéronomiste, est le nom de l'hypothétique œuvre dont serait originellement extraits le Deutéronome, cinquième livre du Pentateuque, et les passages des Livres historiques, seconde partie de l'Ancien Testament faisant immédiatement suite au Deutéronome, qui présentent avec ce dernier une similitude stylistique ou théologique. Il s'agit des livres de Josué, Juges, Samuel I & II, Rois I & II.

Comme pour d'autres textes prétendus sacrés et faisant partie du corpus d'orthodoxie d'une religion monothéiste, quand il est confronté à l'histoire prouvée et à ce que l'archéologie nous en apprend, le corpus biblique apparaît comme l'œuvre de plusieurs individus tributaires de la politique du moment. On y recycle un substrat de légendes orales ou écrites. Conférer à ces textes un aspect sacré est un acte de foi et de croyance en une transcendance. Cet aspect étant écarté dans cet ouvrage, l'ancien testament y est décortiqué à la façon d'un historien. Evangiles et Coran sont d'autres textes dont la critique littéraire nous apprend beaucoup sur le contexte social et historique de la naissance de chacun des monothéismes et sur les préférences de leurs scribes. Mais un livre aussi méthodique que celui-ci portant sur Jésus ou sur Mohamed n'existe pas encore. à ma connaissance.

Je sors de la lecture d'un second Finkelstein (Les rois sacrés de la Bible : à la recherche de David et Salomon) et m'aperçois qu'une traduction française d'un autre de ses livres vient de sortir. Je n'ai pu résister au plaisir de le mettre dans la liste de mes futurs achats.

Car c'est un magnifique historien avec un talent pédagogique incontestable. Vais-je enfin en lire plus sur les Omrides dont le nom gravé sur la stèle de Mésha présentée au musée archéologique d'Amman m'avait totalement laissé perplexe?

En filigrane, l'auteur reprend les idées maîtresses de ses différents opus: aucune preuve de l'existence du royaume unifié en Palestine comme le prétend la bible, pas de trace d'une Jérusalem munificente vers le X° avant J-C époque prétendue celle de David et de son fils, pas de présence avérée de Salomon, le second des deux rois mythiques. L'extrait suivant résume assez bien le contexte de la démarche du présent livre "L'émergence de l'Israël biblique en tant que concept fut par conséquent le résultat de la chute du royaume d'Israël" et donc de la dynastie omride oserais-je ajouter.

L'objectif de ce livre-ci est donc de nous informer sur la dynastie omride du royaume d'Israël. Je n'en avais entendu parlé pour la première fois qu'en 2010 à Amman. Le facteur propitiatoire était la stèle moabite de Mesha en basalte noir. Avec un focus différent, ce livre est donc à nouveau une lecture critique de l'histoire deutéronomique de la bible (Samuel I & II, Juges I & II et Rois I & II).

Je me faisais une joie de lire une troisième oeuvre de Finkelstein. Je suis un peu déçu par le ton, la technicité et l'absence de fluidité du livre. J'aurais du m'y attendre: en effet il est clairement précisé que ce sont des notes de conférence donnée au Collège de France.

Outre le style, ce que je reproche au livre, c'est l'absence d'une grande carte récapitulative de tous les toponymes. C'eût été très utile, elle m'aurait permis de localiser d'un coup d'œil les vallées, rivières, massifs montagneux ainsi que les sites archéologiques. De la même manière, un index eût été utile.

L'aura de Finkelstein auprès du public ne cesse de grandir, j'en veux pour preuve deux événements récents. Le premier eut lieu dans un bus de la société des transports en commun de ma ville. Décryptant le titre de mon livre, un monsieur vraisemblablement d'origine magrébine n'a pas hésité à entamer la conversation. La conversation fut pointue et fort agréable en l'occurrence car ce Mr connaissait et l'auteur et l'objet de ses travaux. Le second m'est rapporté par un membre de ma famille actuellement en Israël. Elle me fait savoir que cet historien israélien est voué aux gémonies par des personnes obsédées par la sainteté de la bible. C'est compréhensible quand on nie l'existence d'un Israël historique unifié.

Bon livre pour toute personne voulant voir sous un jour nouveau la région levantine et les cultures qui l'ont peuplée avant que le judaïsme tel que nous le connaissons aujourd'hui se constitue et façonne par la suite la Bible.

Néanmoins, il y a un parti pris dans cet ouvrage qui me semble manquer d'objectivité, dans la mesure où l'exception juive est trop présente dans la pensée de l'auteur, omettant à mon sens l'apport des cultures voisines ainsi que les relations politiques et culturelles gravitant autour de la région palestinienne du Bronze ancien au Bronze Récent. De la même façon, les connexions antérieures sont peu mises en avant (Je pense notamment aux cannanéens, amorrites, hourrites, etc) alors qu'elles ont largement influencés la Bible.

Ceci dit, ouvrage à lire, car il apporte un nouvel éclairage qui répondra sans doute à beaucoup d'interrogations.