Joël Mansa

Elisée est un être spécial. C’est un doux rêveur. Un homme de poésie et de chansons. D’ailleurs, sur son banc, en face de la gare de Bordeaux, il découpe des bouts de nappe pour y noter des petits poèmes. Il les enfouit dans les poches de son manteau. Manteau plein de magie. Elisée est un rêveur qui voit la vie différemment des autres humains. Il semble vivre dans une douce folie ou une folie douce. Au choix. Finalement, qui est-il?

Cet homme, féru de poésie, qui semble être un SDF, a eu une vie. Ailleurs. En banlieue parisienne. Autour de lui, gravitent des personnages un peu bizarres. Des personnages un peu perdus. Chacun a son histoire. Il la raconte à Elisée. Ce dernier pourra t-il les aider à faire un choix? Transformera t-il leur vie? Cet homme simple a, un temps, fait un tour en Martinique. Une île qui lui a laissé un langage fleuri. Elisée en déroute plus d’un, par son attitude, par son comportement. Il est l’apaisement, l’assurance, la sécurité. Et son manteau fait des miracles pour tous les humains. C’est un homme franc, bon, fou de musique et de rimes.

Elisée est un magicien qui embellit la vie des autres. Cette pièce de théâtre en trois tableaux parle de voyage, de la vie dans la banlieue parisienne, de violences conjugales, de séparation. Avec son manteau, Elisée devine tout. Il trouve les mots qui font réféchir. Les mots qui mettent du baume au coeur. Les mots qui guérissent. Les mots qui font ressortir le meilleur de l’humain. C’est un homme qui sait écouter et entendre. Son manteau, qu’il dit magique, recouvre le monde fait de douleur, de doutes, de peurs et le change en un monde de douceur, de force. Elisée et son manteau font ressortir le meilleur de chacun et changent leur destin. N’est-ce pas cela la magie?

Ici, on n’est pas du tout dans mon style de lecture de prédilection. D’ailleurs, à la fin du livre, j’ai même été relire le résumé en me demandant ce qui m’avait conduite à le prendre en #servicepresse ! Mais il n’y a pas à dire, ils sont forts chez ExÆquo car je le reprendrais sans hésiter ! Et j’en serais encore une fois ravie...

Ravie de suivre le récit intime fait par Jean, de sa prime jeunesse à sa vie d’adulte. Un récit dur de maltraitances tout d’abord, de soif de tendresse d’un enfant mis de côté, puis d’un jeune homme qui se construit peu à peu par son amour des livres et grâce à des rencontres étonnantes. Un récit fait d’épreuves qui font grandir et réfléchir, d’amis qui réchauffent le cœur, de voyages et de corps qui embrasent la chair.

Cela se lit comme un récit initiatique, la recherche absolue du bonheur et l’espoir insensé qu’enfin la vie puisse sourire. Et de manière durable. Mais il y a toujours une épreuve, un caillou dans la chaussure, une épine dans le pied qui font que Jean finit par avancer encore un peu plus loin. Il se trouve toujours, au détour du chemin, des séparations qui blessent mais qui le font grandir. Des instants qui le poussent à la méditation, une envie de se recroqueviller sur soi-même et de fermer les yeux sur le monde qui continue sa course à côté de lui. Et puis, malgré les peines et les traumatismes, un timide sursaut prend corps, l’espoir se réveille et ramène Jean vers la vie. Une vie entre les morts et les vivants. Une belle vie si on peut oublier et pardonner. Mais est-ce possible ?

Nous sommes dans un futur proche, la guerre de l’eau a commencé, un nouveau calendrier a été établi. Désormais c’est Al Mokhtar le maître de Khartoum, et Everett Even est l’élu ; celui qui fait respecter les règles.

Une petite fille de 5 ans environ, a fui l’Éthiopie avec son frère pour atterrir au Camp Nord ; à peine arrivée, elle voit apparaître l’Élu qui s’intéresse à elle. Elle est séparée de son frère pour être donnée en adoption à un couple qui a déjà deux fils ; elle s’appellera désormais Izraïla.

Quelques années plus tard, Izraïla alors que le régime d’Al Mokhtar a été dissout, elle va assister au procès de l’Élu ; elle va également écrire son histoire dans un carnet.

Izraïla nous raconte sa culpabilité de n’avoir pas réagi lorsque Everett Even l’a appelée pour la séparer de son frère qu’elle ne reverra jamais. Elle raconte les écrans géants qui diffusent des textes en permanence comme des mantras pour asservir les gens, les prières obligatoires, la peur… Elle nous parle de son arrivée sur cette terrasse, où elle va faire la connaissance de sa nouvelle famille, Alvaro Del Campo, un maître d’école opposé au régime, sa femme Yasmina, poétesse, et les deux fils Siddhârta et Pedro ; une famille qui va s’occuper d’elle et qu’elle va aimer.

Et puis, au fur et à mesure, nous découvrons l’horreur, les sévices infligés à ceux qui désobéissent ou se soulèvent contre le régime, la vie sur les terrasses, la misère mais aussi l’amour, l’entraide ou les désillusions.

Izraïla a des doutes, elle veut une réponse à chacune de ses questions, alors elle va chercher à savoir, mais à quel prix ?

Là je m’arrête, à vous de découvrir ce magnifique roman…

Joël MANSA s’est attaqué à des sujets d’actualité, effectivement, c’est la guerre de l’eau mais pas que…

C’est bien écrit avec des chapitres assez courts et nous suivons Izraïla dans ses souvenirs et sa recherche de la vérité ; nous lisons son carnet au dessus de son épaule !

Bien sûr, il s’agit ici du problème de l’accès à l’eau pour tous, mais c’est aussi un prétexte pour soulever d’autres problèmes de nos sociétés. Un régime qui s’appuie sur des textes philosophiques de toutes religions pour asseoir son pouvoir et sa légitimité, des écrans qui diffusent ces textes en continu, des prières obligatoires, des gens constamment sous surveillance et la peur qui rôde.

D’autres sujets sont abordés en arrière plan, comme l’homosexualité, le manque de tolérance, l’importance de l’art…

Bref un magnifique roman d’actualité qui amène à une réelle réflexion sur la politique, l’écologie et les religions…

À lire installé(e) sur un tapis (oriental) en buvant un thé à la menthe (en vrac avec de la vraie menthe!) et des pâtisseries orientales, évidemment… Assalamu alaykum…