Claude Aziza

Bel ouvrage bien écrit sur Néron qui déconstruit l'image négative de l'empereur.

Un bon ouvrage pour les néophytes mais certainement pas pour les spécialistes - et faisant partie de ces derniers, j'ai forcément été très déçu par cette lecture qui ne m'a rien enseigné.

Les textes d'Aziza sont lourds, ses phrases enflent sous l'effet de nuées de signes de ponctuation séparant les informations qu'il essaie d'injecter dans une seule et même ligne. Dans la même veine, les propos essentiels sont trop souvent masqués par des illustrations dont les brèves descriptions, si elles permettent de recontextualiser certains évènements ou personnages, restent très superficielles. À cause de cela, la mise en page devient parfois assez déplaisante : la fin d'une phrase entamée sur une page peut se retrouver coincée entre deux images ou dans un coin de la page suivante.

Que dire quant au contenu ? C'est de la vulgarisation. De la bonne vulgarisation, certes, mais de la vulgarisation tout de même.

Certains chapitres sont prometteurs mais se contentent d'effleurer leur sujet, notamment celui qui concerne le portrait de Néron tel que rédigé par Suétone. Il y a tant que choses à analyser dans la "Vita Neronis", pourtant les problématiques soulevées par celle-ci sont tout juste évoquées (la majorité d'entre elles étant simplement fourrées sous le thème général du "type même du débauché" qui pourrait lui-même être longtemps débattu) et résumées en deux demi-pages... Même la thématique du prince histrion, pourtant centrale tant pour comprendre la psychologie du personnage que son projet politique, est à peine détricotée. Et c'est vraiment dommage. Oui, je regrette vraiment cet aspect synthétique et presque biographique qui prend totalement le pas sur la moindre forme d'analyse historiographique. La confrontation des sources est trop faible. Certains auteurs disent ceci, d'autres cela, voilà, on ne saura jamais. Eh bien ma foi... L'épisode de l'incendie de 64 est survolé alors même qu'il s'inscrit dans une littérature bien particulière et constitue l'acmé des crimes néroniens. "Néron, qui a le sens du théâtre, chanta, dit-on, du haut de la tour de Mécène [...]. Et alors ?". Comment ça, et alors ? Non. Il y a matière à écrire une thèse entière sur l'image de Néron chantant la ruine de Troie devant sa cité en flammes.

L'intégration d'éléments romanesques et cinématographiques est une riche idée que je salue mais qui aurait à son tour mérité davantage de développements et de regards critiques. Trop de crédit est donné à l'influence du romanesque (notamment le "Quo Vadis?" de Sienkewicz) sans évoquer suffisamment les influences de ces mêmes oeuvres, à savoir le canon néronien fixé par les littératures latine et chrétienne, par les partis-pris politiques, par la damnatio memoriae...

Enfin, Aziza ne mentionne aucune source secondaire lui ayant permis de construire ses analyses. Pourtant, on ressent parfois la pensée de certains auteurs derrière ses propos (E. Cizek, par exemple, n'est cité que dans le dernier chapitre de l'ouvrage comme étant l'auteur d'une "biographie magistrale", ce qui est le cas - quoique le terme de "biographie" me paraisse réducteur pour une œuvre aussi centrale que la sienne dans l'étude de la figure de Néron). Et en effet, cette absence de références et d'analyse trouve son explication dans la bibliographie : seuls deux ouvrages historiques sont référencés. Pas de trace des travaux de J. Gascou, de G.-C. Picard, de W. Steidle, d'A. Wallace-Hadrill, d'E. Champlin... rien.

En somme, c'est un bon ouvrage de vulgarisation qui retrace la vie de Néron en reprenant majoritairement les récits de Suétone et Tacite sans jamais réellement les analyser ni les confronter. Une chose est sûre : il ne s'agit certainement pas d'un travail de recherche historique, d'où ma déception.