Céline Curiol

Une réflexion sur notre regard de spectateur des évènements qui se trament chaque jour dans le monde. Sur l'oppression et l'aveuglement.Sur la liberté individuelle.

Dans un monde où les livres ont été bannis, où tout est sous contrôle, surveillé, calculé, comment l'homme peut-il encore continuer à posséder une existence propre? Et si ouvrir les yeux sur la manipulation s'avérait plus terrible?

Un habile roman parfaitement réaliste sur ce que pourrait être la vie de demain dans une grosse organisation mondiale, qui nous met dans la tête d'un homme en passe d'ouvrir les yeux sur le monde qui l'entoure.

Le titre provocateur du roman m'a intriguée et j'ai voulu savoir ce que cachait cette histoire. Et en même temps, je craignais un de ces livres sur la vieillesse, rebutant, un peu décourageant. Et alors là, pas du tout, pas du tout. C'est un roman où on rit aux éclats, où palpite une incroyable vie que je souhaiterais à bien des "jeunes", où s'exprime une belle confiance en la vie.

Judith Hogen, 70 ans, vient de perdre son mari et sombre dans une sorte de dépression. C'est compter sans sa voisine et amie Janet Shebabi, qui lui propose de faire un voyage organisé pour se changer les idées. Et là, je vous assure que nos deux héroïnes vont bien s'amuser et donner du fil à retordre à l'organisatrice, Jenny, une femme pincée et autoritaire qui prend les personnes âgées pour des demeurées. Ce voyage permettra à Judith d'en accomplir un plus essentiel pour elle ; elle doit le faire seule et rencontrer un homme, très important dans sa vie.

Judith est la narratrice et ce choix de point de vue interne nous rend ce personnage très proche et très attachant. Nous sommes les confidents privilégiés de ses réflexions sur le monde, de ses descriptions concernant les transformations de son corps, de la façon dont elle perçoit le regard des gens portés sur elle, de ses souvenirs empreints d'amour et de souffrance.

Et quand on ferme le livre, riche en petits faits vrais ( vous savez, ceux qui constituent toute vie), en rencontres, en découvertes et en sentiments partagés, on se pose cette question absurde : à quel âge, un homme, une femme, cesse-t-il, cesse-t-elle d'appartenir à la grande famille des humains?