Les Aggloméré·e·s
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Note moyenne : 4.2/10Nombre d'évaluations : 5
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Il y a des concepts prometteurs dont le résultat ne nous convient pas, Subtil béton fait partie de cette catégorie pour moi.
L’histoire se déroule dans un futur très proche, tellement proche que sa classification en science-fiction laisse perplexe. Une insurrection a été anéantie, c’est l’événement prétexte à la mise en place d’un régime totalitaire répressif. La moindre différence jugée inappropriée a pour conséquence un séjour dans un camp de rééducation pour permettre l’assimilation. Tout refus d’obtempérer retire la nationalité et désactive la puce implantée dans le bras de chacun. Une puce active est nécessaire pour vivre et contient entre autres l’état du compte en banque. Sans puce ou sans argent, il n’y a plus d’accès possible au moindre commerce même de premières nécessités. Et bien entendu sous couvert de sécurité, il faut régulièrement fournir à l’Etat les données qu’elles contiennent ce qui permet aux autorités de connaitre le moindre déplacement réalisé. Surveillance de masse, mal logement, violence policière, racisme, transphobie, sexisme… le quotidien des personnes dans le système n’est pas glorieux alors que dire de celui des personnes sorties du système ?
Une des forces des classiques de l’anticipation comme 1984 ou Fahrenheit 451 est dans la prise de conscience du protagoniste, ici tout le roman choral est du côté des personnes déjà anti-système ce qui perd de son piquant. Subtil béton est un roman choral donnant la parole à première vue à une galerie variée de personnages, mais il apparait rapidement qu’un seul type est présent : les minorités oppressées ou plutôt une partie. J’apprécie la présence de diversité et le fait de donner la parole aux minorités discriminées mais comme d'habitude on oublie les personnes handicapées. La seule mention est très clichée, la personne handicapée est un poids pour sa famille ce qui l’empêche donc d’être aussi militante que souhaitée. C’est usant ce type de représentation d’autant plus venant d’un collectif se voulant inclusif et défenseur des opprimé.e.s.
Le ton du récit est très culpabilisant d’autant plus qu’ils hiérarchisent les discriminations. Se soumettre au régime pour garder une vie sans clandestinité ou vouloir retourner dans le système est très mal perçu. La vision est manichéenne et la moindre tentative de déviation de l’idéal est jugée, jamais comprise ou excusable. Le ton est hyper accusateur de manière frontale ou via une manipulation sous couvert d’arrondir les angles. Le message est simple et peut faire grincer des dents : si tu es un poil moins discriminé que le voisin tu dois t’autoflageller à jamais et être corvéable à merci, vilain privilégié, va.
Niveau écriture la volonté d’inclusivité est forte mais la mise en application ne l’est pas. La décision de ne pas utiliser un langage inclusif homogène tout le long du récit rend la lecture, en particulier pour les personnes dys, compliquée. Il n’y a aucun moyen de s’habituer aux choix d’écriture.
Enfin ce qui est pour moi le soucis majeur c’est l’absence complète d’utilisation du « montrer plutôt que dire » (le fameux « Show don't tell »). Comme le dit la postface écrite par les membres du collectif, « Subtil béton est le lieu de nos décharges émotionnelles et politiques » et ça se sent. Je suis pour les romans militants mais jamais au détriment de l'histoire comme c’est le cas ici.
Pour finir sur une note plus positive, le travail éditorial bon. Les illustrations sont belles et une très grande carte est incluse dans un rabat.
Afficher en entierSubtil béton est un ovni comme je les aime. Roman choral et dystopique, il porte les voix de personnages queer luttant pour exister et résister à une société autoritariste.
J’ai été touchée par les parcours et les personnalités des protagonistes. Les voir vivre et se battre ensemble, s’interroger sur leurs conditions de cohabitation et s’apporter mutuellement de la tendresse m’ont fait chaud au cœur. On sent dans l’écriture de ces personnages les différentes voix du collectif à l’origine du roman. J’ai l’impression que chacune de personnes intervenues dans l’écriture a apporté un peu d’elle-même dans ces personnages, ce qui contribue à faire leur épaisseur et leur singularité.
Les signes d’une écriture collaborative sont aussi visibles dans les différents types de langage inclusif utilisés, ainsi que dans le côté expérimental de la syntaxe choisie pour un des personnages (Onik ?). J’ai lu certaines critiques qui regrettent cet aspect en ce qu’il peut rebuter ou freiner la lecture. C’est une critique légitime parce que la lecture n’est pas un exercice accessible et fluide pour tout le monde. Pour ma part, si je pense que c’est important de garder ces limites en tête, j’ai quand même apprécié de voir ces écritures plurielles se côtoyer dans un même texte, et ce côté « laboratoire d’écriture » qui affirme sa dimension collective.
Alors que son écriture a commencé en 2007, Subtil béton résonne avec l’actualité de cette première moitié d’année 2023. C’est la preuve que les tendances observées au début des années 2000 se renforcent, et pour moi cette lecture tombe à pic. J’ai beaucoup apprécié de ne pas lire de passages explicitement violents, comme on nous en impose trop souvent dans les dystopies. Le cadre dans lequel se déroule le récit est celui d’une société autoritaire et discriminatoire comme on en voit dans la plupart des récits de fiction dystopiques, mais on ne s’appesantit pas ici sur les violences subies par les personnages jugés « hors-normes ». Ce qui compte, ce n’est pas de montrer comment la société violente, écrase et cherche à lisser les corps et les identités, mais plutôt de faire la place aux contre-récits, à l’espoir, à la construction de lendemains meilleurs. Il y a évidemment un côté idéaliste à tout ça, mais les ami·es et camarades en lutte que l’on suit dans ce roman ne sont pas présenté·es comme parfait·es et toujours d’accord. Laisser de la place à leurs imaginaires et à leurs joies, tempérés par les tensions que n’importe quel groupe peut traverser, donne une idée de ce que c’est qu’être solidaire et militer ensemble. On retrouve dans tout ça l’idée d’une « joie militante » qui m’a fait beaucoup de bien.
C’est aussi la première fois que je vois dans un roman un aussi bon exemple de ce qu’Ursula Le Guin (dont une citation ouvre d’ailleurs le livre) ou Donna Haraway appellent de leurs vœux lorsqu’elles évoquent la puissance des récits de spéculation. On a déjà notre lot de récits de fiction qui dépeignent un futur sombre, et s’ils sont intéressants pour mettre en garde, ils ne sont pas toujours très bons pour le moral. Les Aggloméré·es répondent ici à la nécessité d’écrire, de créer, de laisser s’épanouir des imaginaires où on se bat pour protéger ce et celleux qu’on aime. Ce n’est pas un manuel pratique, mais pour moi c’est tout comme un phare.
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