Michel De Ghelderode

Beaucoup aimé l'histoire qui est originale ! :D

Cet ouvrage, tiré de la prestigieuse "Nrf", est le cinquième tome de la réédition intégrale, chez Gallimard, du théâtre de Michel Ghelderode.

Il contient sept de ses pièces les plus significatives.

Ces pièces sont autant de massifs morceaux de scène dont les bas-reliefs sont ornés de fines sculptures stylisées.

Le style de l'écriture est sombre, parfois heurté.

Et si dans sa forme, l'ensemble peut sembler parfois difficile d'accès, il n'en amène pas moins à une puissante réflexion.

Le passage de la scène à l'écrit enlève beaucoup aux pièces.

La mise en scène, dans le théâtre de Ghelderode, est primordiale.

Elle offre un vrai contexte au propos.

Pourtant, après transposition à l'écrit, il n'en reste pas moins que ce même propos, niché au coeur de chaque pièce, se révèle comme la plus belle des littérature.

Le mot, ici, est réflexion.

"Le soleil se couche" est une création néerlandaise.

Elle a été représentée, pour la première fois, au Théâtre Royal Flamand de Bruxelles en janvier 1951.

Au dernier jour du mois d'août 1558, Charles de Habsbourg, qui a été le monarque le plus puissant de son temps, n'est plus qu'un vieil homme perclus de douleur, miné par le doute et rongé par la peur.

Son fils Philippe, roi de la très catholique Espagne, lui intime l'ordre de se préparer à une fin digne de son règne ...

"Les aveugles" est une fable, une courte pièce en un acte.

Elle a été représentée, pour la première fois, à Paris, sur la scène du Théâtre de Poche, en juillet 1956.

Trois aveugles, "Le Blanc", "Le Pendard" et "Le Boeuf, cheminent en pèlerinage vers la ville éternelle.

Ils croient déjà entendre carillonner les cloches de Rome lorsqu'ils vont rencontrer le roi des fossés ...

"Barabbas" est certainement le sommet du recueil.

C'est un drame populaire en trois actes.

Il a été créé, pour la première fois, à Bruxelles, en langue néerlandaise, en mars 1928.

Il réécrit la terrible histoire de rédemption du redoutable bandit.

Le morceau est un petit bijou qui, sans jamais se décider, oscille entre burlesque et tragique.

Barrabas, condamné au mal, y pousse le cri du désespoir de sa prédestination ...

"Le ménage de Caroline" est une pochade, un acte forain.

De l'aveu même de l'auteur, Colombine, Pierrot et Arlequin seraient bien vite oubliés si un auteur démodé, même belge, ne consentait à les placer dans une pièce.

Et maître Borax, même s'il appelle à son secours l'Hercule, la Femme à barbe, l'Homme-serpent ou le géant Nikador, n'en verra pas moins sa baraque s'écrouler et ses rêves partir en fumée ...

"La mort du docteur Faust" est une tragédie pour le music-hall en un prologue et trois épisodes.

Il a été représenté, pour la première fois, à Pais, sur la scène du théâtre "Art et Action", en janvier 1928.

La grande affaire de la pièce est le "roman" de la perpétuelle illusion, de la perception de la réalité.

Depuis longtemps, on a mis Faust, en romans, en pièces et en opéras.

Y opposant anachronisme et simultanéité, Ghelderode tente, dans une pièce qu'il veut "gigogne", de peindre plus sincèrement les personnalités d'un vieux savant las de vivre et d'un diable fatigué d'être damné ...

"Adrian et Jusemina" est un divertissement d'après une tapisserie ancienne.

Il a été créé à Bruxelles, au théâtre "Résidence" en janvier 1952.

C'est une courte fantaisie sur l'amour ...

"Piet Bouteille" est un moment dramatique en un acte.

Il a été représenté, pour la première fois, en avril 1931, sur la scène du Théâtre Royal du Parc à Bruxelles.

On y assiste à la mort de Piet Bouteille, vieux paysan couleur de terre, qui ne dit mot ...

Au Moyen-Âge, la danse de la Mort est un thème répandu dans les temps troublés, venant faucher les âmes. Mais ici, la Mort se "balade", vient sur Terre non semer la peur mais le burlesque.

Au niveau du style, j'ai beaucoup pensé à Ubu de Jarry : les personnages sont "hénaurmes", gros, gras, paillards, buveurs. Les deux politiciens, le Noir et le Blanc, pourraient également conseiller Ubu. Salivaine qui bat son mari à coups de bâtons et de fouet, pourrait être également une Mère Ubu convaincante, ou se retrouver dans le Médecin malgré lui. Oui, humour de geste, humour de farce, burlesque se mêlent dans un esprit médiéval. D'ailleurs, on peut aussi convoquer Rabelais, puisque ce sont les soudards - sympathiques - qui survivent. Boire fait vivre, boire empêche de mourir... Enfin, si les amants peuvent sembler trop niais au départ, leur importance est révélée à la fin : ils apportent la poésie et l'espoir.