Michel Bernardot

Le récit s’ouvre sur le voyage d’Anatole et Jeanne, à la recherche de travail. L’époux en trouvera à la mine, mais ce n’est là qu’une étape de leur parcours de vie, qui se poursuivra avec leur fils. Car l’univers minier vont les conduire de la Franche-Comté aux Cévennes, puis au Nouveau Monde. Avec des descriptions qui immergent totalement le lecteur dans ces paysages français et américains, porté par une plume poétique, cet ouvrage nous fait suivre deux ancêtres du narrateur, tous deux mêlés à l’univers minier, ainsi que quelques épisodes de la vie du narrateur lui-même. D’origine modeste, Anatole et son fils Jean-Jacques vont pourtant devenir indispensables à des personnages plutôt puissants. Devenant roman d’apprentissage lorsque le récit suit Jean-Jacques, on découvre avec lui les territoires sauvages des États-Unis, on rencontre des personnages divers et variés, on se lie d’amitié avec les jumeaux melungeons, on le suit dans son avancée dans l’Ouest américain, comme s’il était à la quête de quelque chose, de rêve et de liberté, qui sait! Et si tout cela revenait à poursuivre un mirage? Et si ce que nous pensons trouver ailleurs était finalement là, près de nous?

Un roman vraiment dépaysant!

Jean Robédois, à travers ce récit, nous raconte sa vie au milieu des tissus. Nous expliquant l’origine de leurs noms tout en expliquant la façon dont ils sont tissés, il nous expose des anecdotes sur lui. Le lecteur découvre ainsi comment il s’est retrouvé dans cet univers fait d’étoffes de toutes sortes, conduit là par l’amour. Et c’est l’amour qui va l’amener à se dévoiler de la sorte.

Au-delà d’une immersion dans le monde des tissus, dont les détails sur les noms qui leur sont donnés ont été très instructifs pour moi, c’est aussi l’histoire de cet homme qui semble maudit en amour et qui trouve une sorte de consolation, d’échappatoire, avec les cotons, tweeds et damas, entre autres. Les tissus, c’est ce qui lui a permis de se remettre après une expérience amoureuse à la fin malheureuse, et c’est grâce à eux qu’il va à nouveau pouvoir aimer. À travers la nostalgie qui émane du récit de Jean, on ressent aussi une certaine souffrance. Cet homme, malgré ses nombreuses rencontres, donne l’impression d’avoir pourtant toujours été seul. Cette nouvelle rencontre brisera-t-elle cette sorte de malédiction?

Enrichissant par les explications données sur les noms des étoffes, c’est une belle manière de voyager, de découvrir d’où viennent certains tissus, de voir qu’ils ont pu faire la gloire de certaines villes ou de certains pays. Mais c’est aussi l’histoire d’un homme peu épargné par les histoires de cœur et qui trouve le bonheur dans chaque belle chose qui s’offre à lui. Un récit dépaysant au narrateur torturé.

https://deslivresdesfilsetunpeudefarine.wordpress.com/2017/03/21/pas-dorgandi-pour-miss-blandice-michel-bernardot/

Entre passé et présent, on suit dans ce récit Louis-Alexandre, rescapé des affrontements ayant eu lieu à Djijelli, en Algérie, grâce à son descendant et narrateur. Ce roman fait office de guide touristique et historique, expliquant les noms de tel village ou de telle oasis, et les descriptions font littéralement voyager. Avec Louis-Alexandre, on va sentir la chaleur, la brûlure du soleil, on va se laisser bercer par le pas lent des montures à travers le désert. Mais l’histoire de cet homme n’est pas non plus dénuée d’intérêt. Se retrouvant seul loin des siens, Louis-Alexandre va découvrir les populations locales, négocier avec elles, s’intégrer. Son parcours, dans un pays qui n’est pas le sien, va être fait de haut et de bas, il va construire, perdre, survivre, se reconstruire. C’est un récit vraiment dépaysant, où les plaisirs les plus simples sont les plus agréables, à l’ambiance chaleureuse. Une quête et une reconstruction des origines d’un homme vraiment sympathiques.

C'est un roman très riche, à beaucoup de niveaux, que ce soit dans le vocabulaire, dans les descriptions réalistes, dans les personnages tous différents les uns des autres, et enfin les décors, où l'on voyage de la Franche-Comté jusqu'en Amérique en passant par les paysages des Cévennes. Comme il est dit dans le résumé, ce roman est une double histoire, celle actuelle d'un écrivain avec ses problèmes, qui raconte celle de ses aïeuls, Anatole et Jeanne. Ils vont quitter leur région d'origine pour trouver du travail. Ils vont laisser partir leur fils Jean-Jacques en Amérique, ce pays où tout est possible, tout est encore en construction. Ce fils qui, grâce à ses facultés pour la langue anglaise, va être remarqué par le patron de Anatole qui va vouloir l'emmener avec lui dans son aventure américaine afin d'être son interprète. Anatole et Jeanne s'inquiètent mais ne peuvent empêcher leur fils de partir. Va ainsi débuter pour lui une énorme aventure, où il va côtoyer de grands personnages grâce à sa facilité d'expression. Il va participer à la conquête de ces terres sauvages, la construction de communautés, il va aussi découvrir les rivalités avec les indiens, et va se lier avec certains, les mélungeons, ce qui va l'amener à apprendre un autre mode de vie, la chasse, la survie. Sa vie amoureuse va être elle aussi bien remplie, il vivra de grandes passions, et des drames qui le marqueront à jamais.

On suit en même temps les aléas de l'écriture de son descendant. Comme vous pouvez vous rendre compte, c'est une histoire vraiment très riche. Et tout cela mené par la plume de Michel Bernardot, qui sait évoluer selon ce qu'elle veut nous conter. Le langage change selon les personnages, se faisant plus ou moins soutenu selon la condition sociale de celui qui parle, les descriptions des différents lieux sont faites avec beaucoup de réalisme, on sent derrière le travail qu'a dû effectuer l'auteur pour arriver à nous emmener avec autant de précisions dans cette fin du dix-huitième siècle, on s'y croirait vraiment. Sans oublier toute la poésie qu'il met dans les mots.

J'ai aimé suivre Jean-Jacques dans son périple américain, qui va finalement le ramener sur ses terres natales, on va parfois chercher bien loin ce qui se trouve si proche de nous. C'est une lecture très riche en enseignements pour nous lecteurs, on peut transposer ce parcours de vie à ceux que nous connaissons, à cette quête qu'ont certaines personnes à aller toujours plus loin, plus haut.

C'est un roman à la lecture dépaysante, qui fait voyager, j'ai fait en tant que lectrice le même voyage que le héros grâce au talent de retranscription de Michel Bernardot, j'ai ressenti ses émotions, ses joies, ses peines, ses douleurs. Une lecture pleine et entière, en rebondissements, en aventures, en émotions, comme je les aime.

Je ne peux que vous conseiller de partir vous aussi en voyage avec ce roman, dans ce « pays de demain », vous verrez que l'on va très loin.

Ces Billets d’errances sont comme des fragments de journaux intimes, des réflexions notées sur un carnet et rassemblés ici par l’auteur. Et si ce dernier nous informe de l’époque où ont été rédigés ces textes, ils sont en revanche classés ici par ordre alphabétique, ce qui accentue cette impression d’errance, de pensées éparses, et souligne cette manière aléatoire qu’ont les souvenirs de remonter à la surface, de se rappeler à nous. Le lecteur se retrouve en quelque sorte dans l’intimité de l’auteur, qui partage son quotidien, ses pensées, son ressenti.

Michel Bernardot aime les mots, impossible de le nier après avoir lu ce recueil. Il y expose l’étymologie, l’histoire de certains d’entre eux entre ces pages. Il aime également la vie, dans sa simplicité, dans ses moments de convivialité, les repas partagés en famille, entre amis. Et parce que malheureusement, cela fait partie de la vie, il nous parle aussi de la mort et du deuil. Il partage également quelques avis de lectures.

Des textes émouvants, drôles, des pense-bêtes étymologiques intéressants, le tout à picorer ou à dévorer selon l’appétit du moment ?