Katrina Kalda

Je suis entré dans ce livre un peu à reculons: je craignais que mon ignorance de la cumlture et de l'histoire de l'Estonie ne constitue un obstacle. Non, pas de problème, les données et allusions ne sont pas gênantes.

J'ai été impressionné par l'étendue du lexique, par la richesse des comparaisons et métaphores, par l'abondance des parallèles entre différentes réalités: c'est un roman riche, foisonnant, qui sans doute mériterait une deuxième lecture.

C'est après un certain temps que j'ai compris que le narrateur est en fait la création littéraire du héros principal, un jeune homme pris sous la protection d'un puissant industriel, à qui est donnée la tâche de publier quotidiennement un feuilleton, et c'est le personnage principal dudit feuilleton qui commente les faits et gestes de l'auteur; une certaine perméabilité se crée entre roman "réel" (l'auteur en question se prend d'un amour hésitant pour la femme de son patron, en étant bien conscient que ce rêve romantique ne saurait aboutir) et roman "créé" du feuilleton, qui subit des distortions de scénario au fil des émotions, espoirs et frustrations de l'auteur (vous me suivez?). Charlotte, l'épouse de l'industriel, qui lit attentivement le feuilleton, voit se créer une sorte de double, Carlotta, ce personnage permettant à l'auteur du feuilleton de faire passer des messages plus ou moins clairs.

L'auteur (je veux dire Katrina Kalda) manifeste une maîtrise parfaite dans cet exercide de corde raide.